S’intéresser aux navettes domicile-travail transfrontalières de longue distance est un sujet de société d’importance trop souvent abordé comme un phénomène émergent. Un peu d’histoire nous montre pourtant que la longue distance (relative aux conditions de chaque époque) a d’une part traversé les âges de l’activité professionnelle, et d’autre part toujours constitué une faible part des déplacements géographiques pour aller travailler. Outre le point de vue environnemental avancé ces dernières années, c’est aussi un moyen de saisir les effets différenciés des dimensions spatiales de l’existence des groupes sociaux sur leurs relations ainsi que, dans ce cas précis, le rapport aux frontières d’Etats au sein de l’Europe. Partant de ces deux derniers points, en complémentarité avec les approches historiques (Wassenberg, 2010), ce projet cherche à appréhender et comprendre les articulations entre trois types de mobilités (quotidiennes, résidentielles, sociales) selon un perspective transdisciplinaire (Ramadier, 2004), alors qu’elles sont habituellement investiguées, au mieux, par paires.
Ainsi, pourquoi, dans certains cas, une importante distance entre le lieu de travail et de résidence ne génère ni mobilité résidentielle afin de la réduire, ni multi-résidentialité (Blanc et al., 2014), ni tentative de changement de lieu de travail dans le but d’en trouver un plus proche de son domicile ? Autrement dit, du point de vue de la mobilité quotidienne, quelle est la spécificité des personnes ou des ménages qui restent de très grands navetteurs ? Les variables sociodémographiques (type de ménage, revenu, etc.) ou socio-spatiales (identité spatiale, attachement au lieu, accessibilité, etc.) classiques ne sont souvent pas suffisantes pour expliquer cette situation de navettage sur de longues distances. Nous proposons alors d’explorer dans quelle mesure le rapport au travail aurait, lui aussi, une influence sur cette longue distance entre lieu de travail et lieu de résidence. Dès lors, quelles dimensions du rapport au travail (stabilité d’emploi, promotions possibles, satisfaction de l’activité, des conditions de travail, etc.) doivent être investiguées dans le contexte transfrontalier franco-luxembourgeois ?
La littérature sur la mobilité quotidienne montre que ce type de déplacement ne peut être étudié indépendamment de la mobilité résidentielle (Levy et Dureau, 2002 ; Scheiner, 2006 ; Carpentier, Gerber, 2009). Les navettes domicile/travail reposent sur des tensions géographiques différentes qui sont encore loin d’être clairement identifiées. Plusieurs exemples contradictoires en témoignent. Ainsi, en France, ces 20 dernières années, un salarié doit agrandir l’étendue géographique de ses recherches pour conserver un nombre équivalent d’opportunités d’emploi. Cet accroissement n’est toutefois pas le même pour toutes les catégories socioprofessionnelles : à étendue géographique constante, les cadres perdent moins d’opportunité d’emploi que les ouvriers (Wenglenski, 2003). Par contre, dans le bassin de main-d’oeuvre transfrontalier luxembourgeois, les ménages les plus modestes sont souvent les plus proches de leur lieu de travail (Gerber, Ramm, 2004). Les ménages les plus éloignés, quant à eux, cherchent généralement à s’en rapprocher durant leur début de cycle professionnel, tout en évitant de franchir la frontière (Gerber et al., 2012). Ces situations minimisent les coûts de ce déplacement journalier, et permettent d’éviter le risque de se retrouver en situation de surendettement (Rougé, 2005).
Tous ces résultats permettraient de conclure que les ouvriers sont finalement plus contraints à la mobilité résidentielle pour le travail que ne le sont les cadres. Or, 30% de la mobilité résidentielle française générée par des raisons professionnelles concerne surtout des jeunes hommes diplômés occupant une profession dans les catégories les plus élevées et ayant plus fréquemment déménagé (Margirier, 2004, Dumartin, 1995, cités par Authier et al. 2010). Ces raisons professionnelles entraînent de longues distances de mobilité résidentielle car cette mobilité est généralement liée à des changements de localisation de l’emploi. En revanche, les plus courtes distances de déménagement sont plutôt associées à des raisons familiales (Baccaïni, 1992, Debrand et Taffin, 2006) ou à des causes liées au logement et à son environnement.
Au-delà du fait que, depuis les années 2000, la mobilité quotidienne n’est plus envisagée sans considérer la mobilité résidentielle, l’état actuel des connaissances sur les navettes domicile-travail des actifs nous montre que la question est surtout étudiée dans un contexte de changement de lieu de travail. Or la recherche scientifique ne nous semble pas avoir encore traitée la mobilité résidentielle en fonction de la longue distance des navettes domicile/travail lorsqu’il n’y a pas de changement de lieu de travail.
Parmi les pistes d’investigations sur la longue tradition de recherche sur la mobilité résidentielle, Authier et al. (2010) constatent celle concernant sa robuste corrélation avec la mobilité sociale. Si déménager peut notamment être une réponse à l’injonction professionnelle aux mobilités pour raison de carrière (Bertaux-Wiame, 2005), cette réponse est différente selon le type de ménage et ses ressources économiques, matérielles, et selon les diplômes acquis ou le genre (Grafmeyer, 1990). Là encore, l’injonction professionnelle aux mobilités (Sheller et Urry, 2006) repose sur le changement de localisation de l’emploi. Ce sont pourtant les relations entre la distance domicile/travail et la situation socio-professionnelle qu’il nous semble important d’éclaircir, une perspective peu abordée en dehors des stratégies professionnelles au sein des couples. Les quelques recherches menées dans cette perspective montrent par exemple que la proximité du lieu de travail est souvent associée à des exigences professionnelles. Ainsi, les professions indépendantes (non salariées) habitent généralement proche de leur lieu de travail et déménagent peu afin de se constituer une clientèle et une réputation (Baccaïni, 2002). A l’inverse, les longues navettes sont plus souvent liées à des situations où se conjuguent la flexibilité des conditions de travail (Kaufmann, 2010) - travail à domicile, maîtrise et concentration de l’emploi du temps sur quelques jours, etc. - et la précarité temporelle et économique de l’emploi (rendant le déménagement plus risqué économiquement et nécessitant des ajustements géographiques incessants). Ainsi, d’autres études montrent que la mobilité résidentielle pour causes professionnelles occupe une part toujours moins importante au fil de ces dernières décennies (Levy, 2009), le lieu de travail étant beaucoup moins stable ou pérenne qu’auparavant.
Cette brève revue de littérature nous montre l’importance de comprendre les raisons qui incitent certaines personnes à se satisfaire de longues navettes domicile/travail quand d’autres opèrent des ajustements géographiques par la mobilité résidentielle. Cela suppose de considérer simultanément les trois principales formes de mobilité définies par la communauté scientifique, à savoir la mobilité quotidienne, résidentielle et sociale. C’est donc par l’étude de leur articulation, tout en cherchant à saisir le type de rapport que les individus entretiennent avec chacune d’elle, que nous tenterons de comprendre pourquoi les longues navettes domicile-travail sont parfois privilégiées à un déménagement qui les réduirait. Les terrains d’étude porteront sur les frontaliers franco-luxembourgeois. D’autres navettes transfrontalières pourront être abordées selon les possibilités d’accès au terrain et aux données qui ne relèverait pas du bassin d’emploi luxembourgeois.
Ce projet a donc pour objectif de comprendre ce qui conditionne les grands navetteurs à maintenir ce type de déplacement et cela, d’après leur rapport au travail et leurs conditions d’emploi (position et mobilité sociale, rapports sociaux professionnels, représentations de différentes modalités de l’espace géographique, etc.). Pour analyser les longues distances domicile-travail, nous souhaitons donc aller au-delà des quelques phénomènes maintenant éprouvés, tel le désir d’accéder à la propriété (Lord, Gerber, 2009), le report des déplacements domicile-travail sur l’homme quand la femme supporte quant à elle le déclassement professionnel ou l’articulation professionnelle-familiale (Baccaïni, 2002, Vandersmissen et al., 2009) ou encore les conditions matérielles et temporelles de travail (Kaufman, 2010).
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